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31 octobre 2012

Voyage au bout de la nuit, Céline.

  Tu as vu, comme la nuit s'est écroulée ? Elle vacillait légèrement depuis des lustres, puis tout s'éteignit, le noir, le noir absolu, que personne ne retient. Elle a fermé ses yeux, a écouté la musique, puis est partie. Elle a cessé de bouger, elle a cessé de se leurer, cessé de danser, de chanter, de rire, de parler, de réfléchir et de manger. Elle a cessé de vivre quelques instants, le temps de s'endormir sur une épaule invisible, froide, dure, qui n'était pas bien confortable mais que veux-tu c'est tout ce qu'elle avait, elle, ces épaules et ces rêves. Elle ne voyait rien de plus, ne vivait pour rien de plus, elle se mouvait à peine dans ce cauchemar, elle ne respirait qu'à peine dans cette pénombre, J'AI PEUR ! Mensonge, lui répond-on, tout le monde a peur, tout le monde tremble, regarde comme les gens vacillent et baissent la tête ils ont honte de leur monde, honte de leur réalité, honte de leur passivité, honte de la prison qu'ils se sont construite et dont ils n'osent ébranler les parois, si fragiles mais si lointaines, ils ont tous honte, tellement qu'ils préfèrent aussi fermer les yeux, tellement qu'ils préfèrent aussi ne pas y croire, ne pas en parler, se taire et puis mourir, sans que le monde n'ait changé, sans qu'il ne change, comme figé par cette inaction, par ces regards voilés et ces visages fermés. Mais toi, mais toi, tu sais, tu as conscience de ce que les gens devinnent vaguement, de ce que les gens deviennent sans le voir. Tu le sais et que fais-tu, que fais-tu, quels mouvements esquisses-tu dans le noir, sous le soleil, dans le vent et dans le silence ?! Tu ne bouges pas, tu ne dis rien, mais dénonce bon sang, dénonce ! Tu as tes mots, tu as ton temps, tu as ton corps, tu as ta voix, tu as ta vie et elle n'existe que pour cela, elle n'existe que pour remuer les choses, en extraire ce que l'on cache, le montrer aux yeux de tous et leur crier : " LA ! Vous ne pourrez pas mentir ! Vous ne pourrez pas prétendre ignorer ! C'est de votre vie, de votre avenir, de votre monde dont il s'agit ! Pourquoi ne bougez-vous pas ? Pourquoi ne faites-vous rien ? Etes-vous si bien, dans cette illusoire liberté ? Etes-vous si bien que vous ne vous y délogerez pas ?! Agissez ! Vivez ! Ne vous cachez plus ! La vie est ailleurs ! " Oui. LA VIE EST AILLEURS. LA VIE EST AILLEURS. Relève la tête. Ouvre grand tes yeux. Regarde. Regarde. Observe. Admire. Pleure ces horreurs, pleure ces mensonges, pleure ces injustices, pleure ces folies et ensuite, ensuite brandis-les ! Brandis-les bien fort ! Dis-leur que c'est faux ! Dis-leur qu'on ne tue pas les enfants pour quelques mots ! Dis-leur qu'on ne torture pas les hommes pour un dieu ! Dis-leur qu'on ne viole pas les femmes pour un voile ! Un voile, qu'est-ce ? Un voile, qu'est-ce ? Regardez-le, bon sang, ce voile, et dites-moi ce qu'il a fait pour mériter des morts ? Dites-moi ce qu'ont fait ces enfants pour mériter qu'on les tue ? Dites-moi ce qu'ont fait ces hommes, dites-moi ce qu'a fait le monde pour que tous se détruisent, brandissent des têtes sans corps vers le ciel, brandissent des mensonges vers le Ciel ! Dites-moi, dites-moi, je veux écouter cela, je veux entendre ces mots qui n'ont pas de sens, de sens pour personne, de sens pour rien au monde. Dites-moi pourquoi vous tuez. Dites-moi pour qui vous tuez. Dites-moi comment vous tuez. Comment vous réussissez à voler la vie selon vos désirs. A voler la liberté. A voler la raison. A voler le bonheur. A voler le monde à d'autres. J'ai ouvert les yeux, et il faut maintenant que je vous les ouvre ? Vous savez, vous savez, ne l'ignorez pas davantage, vous SAVEZ ! D'où vient-elle, cette folie ? D'où vient-elle, cette passion du monde pour son auto-destruction ? Ne mentez pas, ne cachez pas. Montrez à tous, parlez-en à tous et dîtes-leur. Dîtes-leur qu'il faut agir. Qu'il faut parler. Qu'il faut écrire. Ciel, dîtes-leur qu'il faut chanter et danser ces cauchemars ! Qu'il faut les attirer à notre vie, y insuffler leur terrible souffle dans le moindre de nos gestes parce que nous, nous, nous sommes en vie ! Nous, nous nous ne sommes pas encore détruits ! Et pourquoi ne le sommes-nous pas ? Pourquoi survivons-nous ? Qu'avons-nous fait pour mériter cette vie que d'autres ont si vite perdue ? RIEN. Je ne veux pas vivre dans ce mensonge, moi ! Je ne veux pas cacher la misère des autres derrière mon sourire. A moi aussi, à toi aussi, à lui aussi, à elle aussi, à nous aussi, tous, tous, nous devons porter ce fardeau, le fardeau de l'Homme qui s'est perdu dans son cauchemar. C'est ensemble que vous trouverons la sortie. Ensemble, guidés par la lumière de la liberté, guidés par la lumière de notre pensée, que nous en sortirons. Le vent fait danser les branches, le vent fait vriller les feuilles, le vent fait se tordre les flots, le vent fait froid dans le dos, je veux dire, je veux dire, je veux dire.

 

" Il n'y a de terrible en nous et sur la terre et dans le ciel peut-être que ce qui n'a pas encore été dit. On ne sera tranquille que lorsque tout aura été dit, une bonne fois pour toutes, alors enfin on fera silence et on aura plus peur de se taire. Ca y sera. ", Céline.

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18 avril 2012

Es gibt kein Ende, weiBt du ?

Je n'avais pas vu le soleil se coucher, ce jour-là. Il pleuvait. Si fort. Nous voyions de grands traits de pluie déchirer le ciel, les murs. Ce ciel d'un blanc opaque et transparent. Et la pluie tombait, elle saccageait tout. Je la vois encore, tellement rude. On n'a pas idée de frapper ainsi. Elle se révoltait contre un vent, un vent qui ne voulait qu'une chose : la pousser loin, loin, va t'en pluie, va t'en, je t'en prie, tu m'inondes, tu me tues, tu mes noies, tu effaces, oui, effaces, efface encore, tout ce monde empeste. Lave-moi de tes larmes, je t'entends pleurer dans les bras du vent, tu souffles contre lui, tu n'as que faire des parapluies, des toits, tu t'abats sur eux avec cette folle détermination, cette folle envie de tout briser, de t'infiltrer partout ! Je te vois, je te regarde, je te sens, ce jour-là, je te sentais plus que tout, souviens-toi, il n'y avait plus que nous. Ma main tremblait légèrement tandis que la déchirait. Épuisée, tu reprenais ton souffle, ne tombais que par gouttelettes. Et c'est alors que tu étais la plus douloureuse, parce que ces gouttes que tu laisses s'échapper des failles du ciel, ces gouttes, je les sentais fatiguées. Fatiguées de toute cette peine, de tout ce dont elles avaient été les témoins. Ma peau, mon corps, tous se laissent faire, tous se laissent pleins de toi, pleins de cette froideur impassible. Je n'ai pas oublié. La nuit est tombée, la pluie a cessé, et je suis restée là, à attendre le retour d'un ciel blanc, le retour de l'eau, de l'air, du vent, de la vie, pitié, de la vie, où est-elle, celle-ci ?! Tout est donc parti ? Je ne sais. A ma fenêtre, protégée de tout cela, je retiens mon souffle et l'observe couler. Elle n'est plus bleue, elle n'est plus rouge, quelle est donc cette étrange couleur, ce son qui parvient à mes oreilles, comme un murmure, à peine perceptible ? Le vent ne passe pas à travers la vitre. Seul le froid s'infiltre, seul le froid glacial, je n'ai jamais plus chaud, toujours je tremble, je frissonne, les mains sont gelées, elles n'osent bouger, plus un mouvement tandis que la pluie tombe, tandis que les voix hurlent, tandis que le cœur bat, tandis que les corps dansent, se prennent, se chevauchent, se percutent et s'abîment. Pas un mouvement ici, le monde défile, le monde se moque, le soleil revient et l'illumine lui seul, mais toi tu restes coît, que pourrais-tu bien dire après tout ? Tel la pluie, tu te fatigues. Les gouttelettes se promènent sur tes joues, elles les redessinent presque avec tendresse. Regarde ton œuvre, regarde-toi, je te regarde, tu ne me vois pas, je t'appelle, tu ne m'entends pas, peut-être ne le souhaites-tu pas ? Vois, vois, je ne sais plus ! Que sais-je, que sais-tu, que savons-nous, ciel !, la pluie a cessé, le soleil menace de revenir, non, non, ombre, reviens, j'ai si peur de la lumière, va-t-elle enfin éclairer nos mensonges ? La vie s'est perdue quelque part, il faut la retrouver, dans les mots, dans les yeux, dans les mains, dans les jambes, marche ! Oui, marche, cours, danse, cris, chante, ce flot inconsolable, sur ton visage, ce fleuve, cet océan, ce raz-de-marée n'a rien inondé, tout est resté intact sous la couche de glace, de marbre, de gel, qu'importe, tout est là ! Le souvenir demeure, le souvenir d'une vie, d'une vraie, d'une belle vie, joyeuse, heureuse, rude et intense. Reviens, reviens, je t'en prie, reviens, tu l'entends cette voix au fond de ton cœur, ce battement timide et silencieux qui n'ose qu'à peine t'appeler mais que

fais-tu? Mais qu'

attends-tu ? Vis.

20 mars 2011

[Les Rimbeaudelaires d'ALAMO.]

        Tu n'avais, je me souviens, qu'une obsession. Combler le vide. Toujours, le combler. Le bourrer d'un tas de choses, auxquelles tu attribuais une importance qu'elles ne méritaient pas. S'occuper, fermer les yeux pour ne pas voir que c'était impossible. On ne peut pas remplir le néant comme cela. Trop facile. Il suffirait de quoi ? D'apprendre mille choses, de croire tout savoir du monde & mieux s'ignorer soi-même ? Non. D'aider l'Humanité, de baisser la tête avec modestie, & de se dire " Je suis utile pour quelqu'un " ? Non. Tu ne pouvais rien faire. Tu pouvais lire, étudier, écouter, parler, tuer chaque soupir du silence à coup de grands éclats de rire, devenir grandiloquent alors que tu te sentais pitoyablement minuscule, bien sûr, tu pouvais faire semblant, mais tu savais, mais tu sais, que ce n'est pas la solution. Que la solution est ailleurs, non, que la solution n'existe pas. Tu m'entends, tu me lis, tu me comprends, maintenant ? Il n'y a pas la moindre solution. Tant pis. Fin. Tu es vide, oui, et alors ? Tout le monde est comme toi, tout le monde passe sa vie à errer, à se mentir, à parler d'absurde pour mieux cacher l'illusion. Tu revisites tes priorités. Gut, sehr gut. Und dann ? Was könntest du jetzt machen ? Weinen ? Du weinst immer. Jedes Tag sehe ich dich weinen. Dein Herz hat gebrannt, es bleibt nichts. Alles ist zerstört, dein Leben hat alles kaputt gemacht ! Danke, Leben, danke ! Mais quoi ? Tu penses qu'en hurlant, tout ira mieux ? Non. Tu essayes de faire quelque chose de joli, qui ne baffouille pas trop. Tu as des phrases qui te viennent à l'esprit, tu les gribouilles dans un coin de ta tête & aussitôt l'oublies. C'est dommage, tu écrirais ou dirais de jolies choses. Doof.

 

       Maintenant tu lis. Tu notes quelques citations sur du papier, c'est plus sûr que ta mémoire. Tu sais que le passé devient néant très vite. Que tout devient néant, que tout est néant. En toi, quelqu'un respire ? Dis-moi, ce coeur que tu prétends sentir palpiter en toi, a-t-il un seul jour eu l'idée de te faire vivre ? Les vagues des plus grandes tempêtes. Les premiers rayons du soleil. Le chant des oiseaux le matin. La brise chaude de l'été. Le craquement de la neige sous tes pas. Le goût du café au réveil. Les pâtes dégoulinantes d'huile. La lourde couette que tu abats sur tes épaules. Se recroqueviller sur soi-même. Attendre un signe & trouver le silence. Les pommes. Essayer de lire & sentir son esprit partir ailleurs. Rêvasser. &, un beau jour, enfin ; aimer quelqu'un.

14 novembre 2010

Parfois.

Les choses changent.

Les gens grandissent.

Le monde danse.
La musique irrite les étoiles.
Les nuages se bousculent.
Les arbres meurent.
Une enfant pleure.
Un vieillard sourit.
Pour la dernière fois ?

8 février 2010

Out.

 

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«

 


 

Elle m’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. Un peu ... Beaucoup, passionnément ... A la folie ... Pas du tout ! Un peu ... Beaucoup ... Passionnément ... A la folie ... Pas du tout ... ». Et merde. Encore foiré. Même ces enfantillages ont raison. Une saloperie de marguerite pour me rappeler que ... Et bien, que « pas du tout » ! Ils en croisent souvent ici, des abrutis qui épluchent les fleurs ? Des abrutis si vieux ? Des abrutis si ... Abrutis. A la réflexion, c’est assez poétique, de demander des sentiments à une fleur parce qu’un cœur n’est pas foutu de le cracher. J’irais l’hurler volontiers, que j’aime, si on me le demandait. Mais, allez savoir pourquoi, c’est le genre de chose qu’on cache de nos jours. Né à la bonne époque, j’aurais écrit une déclaration enflammée, affreusement romantique, et elle m’aurait épousé les larmes aux yeux ! Je lui aurais lu les plus grands poèmes, des plus grands poètes ! MAIS NON. Je suis né aujourd’hui, ici, et le romantisme, l’amour, la passion, la tendresse, ... Toutes ces choses là sont out. Démodées. Résultat, je me retrouve à demander à une foutue marguerite si oui ou non, tu m’aimes. Toi, là. Ouais, ouais. Je sais que tu sais que je sais que tu sais. Tout comment tu sais que je sais. Que tu ne m’aimes pas le moins du monde. C’est ridicule !

 

 

 

Pitoyable ! Regardez tous, hé oh ! Regardez dans quel état lamentable m’a mis une pincée de sentiments ! Sous tous les angles ! Voyons, arrêtez vous quelques instants, n’accélérez pas. Je suis là pour vous, autant en profiter. C’est rare que les inconnus se plantent sur un trottoir pour parler. Pourquoi n’en faites vous pas autant ? Jetez cette montre aux ordures. Le temps passe, bien sûr, la vie s’écoule. Trouvez vous plus bénéfique de courir là plutôt que de s’arrêter et ... D’échanger un petit bout de vie ? J’adore parler. Surtout avec ceux que je ne connais pas. J’ignore votre prénom, vous ignorez le mien. Tout ce que je connais de vous, c’est votre visage, votre démarche et vos vêtements. Ca s’arrête là. Pour l’instant.

 

 

 

Mais peut être, peut être accepteriez vous de vous asseoir sur ce banc, discuter. Ainsi je connaîtrai votre voix. Et.


[¤]


Paradose.

 

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14 novembre 2009

Cela fait SI longtemps.

Cela fait si longtemps, si longtemps que je ne l’ai pas vue. La dernière fois, elle souriait et ce sourire avait tout d’un adieu. Son visage, d’une pâleur cadavérique, ne me faisait plus peur depuis longtemps. Je l’avais observée tant de fois ... Et pleurée. Il y a des choses qu’on ne dit pas, qu’on se contente de faire ou de penser. L’aimer, l’adorer, la haïr. Tous ces sentiments en faisaient partie. Je ne savais rien, j’hésitais, et mes mains moites tremblaient toujours en sa présence. C’est qu’elle brillait si fort ! J’avais peur, moi. J’avais peur de la briser, de mal agir, de la décevoir. Entendait-elle mon cœur cogner dans mon corps, le marteler d’émotions confuses ? Dans ces moments, je me sentais comme un oiseau en cage, qui tente désespérément de s’envoler au loin. Au loin.

Et puis, des fous, on en voyait tant aujourd’hui ! Je n’étais pas le seul. Elle non plus. Ceux dont l’esprit dérapait trop facilement, c’était nous, ça, c’était nous ! Nous luttions fort, pour que l’ombre n’engloutisse que la cime de nos rêves. Mais rien n’y faisait. Des illusions, encore et toujours. Ma vie, sa vie, la vôtre, peut être. Je n’oublis pas. Et pitié, dites moi que vous non plus. Je ne veux pas qu’on me comprenne. Je ne veux pas qu’on m’aime. Je ne veux rien. A peine elle. Si. La retrouver, oh oui, la revoir ! Sentir le parfum de ses cheveux dans le vent, tel une brise en été, qui réchauffe. Je ne l’aime pas, c’est certain. Son sourire, son cœur, ses mimiques, sa voix, son corps, ses mots, ses gestes, son passé, oui. Mais elle ? Elle, bien sûr que non ! Qu’était elle, au juste ? Je ne sais.

Et j’ai fui. Tout le temps. J’ai couru, marché, rampé, escaladé, sauté, accéléré ... Puis, comme tout le monde, je tombe. C’est dur de se relever. Alors je demeure au sol, qu’il soit glacial ou brûlant. On n’a pas idée. Mes membres, désarticulés, m’ont soutenu un temps. Mais eux non plus n’en purent plus. Alors j’étais seul et là, je le savais pertinemment. Mais la solitude, à tout prendre, je la préfère à l’absence. Rien à voir. La solitude, c’est une présence. Elle nous accompagne et nous sommes seuls à plusieurs. Déjà, il y avait moi. Et mon corps. Et la solitude. De seul, je devenais trois. Et l’absence, alors ! L’absence, oui. Qu’est ce ? Je dirais un vide. Je dirais un trou dans le cœur. Je dirais un silence. Je dirais un néant. Je dirais la mort.

Elle ne m’a pas quitté. Simplement, elle partit pour ne plus revenir. On pense que je fis des erreurs. Mais non ! Non, je ... Je n’ai pas pleuré. C’est important, en plein désert de ne pas pleurer. Quand j’avais froid, je mettais ma couverture sur les épaules, et ça me réchauffait un petit peu. Mes paupières retombaient et je pouvais enfin voir. Son sourire. Celui que je n’ai pas vu depuis si longtemps, si longtemps.


Paradose.

30 octobre 2009

Un jour de plus.

Quelque chose s’en va. Je le sens. Ca s’évapore avec le temps, et les peines se bousculent. Oh, quand tout disparaît, que reste-t-il ? A mes pieds, à mes pieds, il y a ce vide. Qui me sourit, me nargue, m’appâte. Je ne sais plus, n’ai jamais su, il me semble. Tu le vois, au loin, ce rire qui s’ennuie et s’endort. Qui meurt. Non. La pluie cogne tellement fort, et mon cœur ne battra plus jamais autant. Toute cette violence, cette rage de vivre, tout s’enfonce dans des abîmes invisibles. Et invincibles. Dis moi, de là bas, qui sourira encore ? Même toi, tu t’essouffles. Je l’ai vu, dans tes ongles sales. Je l’ai lu sur ta peau trop pale. Tu as trop donné, trop insisté, et aujourd’hui, tu deviens pareil. Regarde ! Regarde ! Le monde s’éloigne et nous laisse seuls. Nos corps nous suivent gentiment et c’est mon âme qui devient trop lourde à porter. C’est elle que j’ai trop saccagée. Si tu voyais comme elle ne sourit plus. Comment se fait il que nous soyons encore là. Comment. Comment ? On a beau lui cracher dessus, à la vie, elle ne nous quitte pas. Mais j’ai tout fait, admire, j’ai tout fait ! Tout brisé, tout démoli, tout piétiné ! Tout haï. Et quand mes paupières au matin se soulèvent, je ne vois plus rien. L’affliction valse autour, dans les brumes du sommeil. Il me reste une fleur dans les cheveux, et elle s’accroche, désespérément, sans que je ne comprenne. Tu as des membres maigres, je connais ça. On n’a pas tout perdu. Il nous reste peut être encore un semblant de sentiment. Une humeur grise qu’on saupoudre de tendresse parfois. Couleur, je t’aime encore.

Paradose.

4 octobre 2009

Chapitre IV

Tinis_Two_For_One_by_tleach0608


Quelques mois plus tard ...

- Comment tu as pu aimer une chose pareille ?! Rien que d’y repenser, j’ai mal aux oreilles !
- 
Attends un peu, t’as écouté les paroles au moins ?! Toute cette profondeur, cette poésie, cette ...
- 
POESIE ?? Tu appelles ça de la poésie ? On n’a décidément pas la même définition de ce terme ...
- 
... Ou alors il faudrait que tu révises ton anglais.
- 
Et ça, hein ! Quelle idée de venir en France si c’est pour chanter de l’anglais, hein ?!

Robin avait insisté pour aller voir un concert. Du rock. De ces groupes qu’on écoute quand on est jeune, qui font bouger, du bruit, faire des sauts partout, sourire pour rien. Ceux qui fleurent bon la jeunesse. Il lui avait fallu une armée de patience et de douceur pour parvenir à convaincre sa compagne. Elle céda, et le regretta amèrement. Les gens se bousculaient, buvaient trop, fumaient trop, aussi. Ce concert l’avait profondément énervée. Et cette colère retombait bien évidement sur l’unique fautif. Il subissait ses foudres en soupirant, un petit sourire au coin des lèvres. Même dans tous ses états, elle restait la plus belle à ses yeux.


Ils marchèrent jusqu’à sa voiture et de là, ils roulèrent jusque l’appartement de Ruth. De tout le trajet, elle ne cessa de râler. La lumière, la musique, le manque de place, de talent, d’originalité, ... Tout était bon prétexte ! Pour la faire taire, il alluma la radio. Mais là encore, elle continuait. Alors à un feu rouge, alors que les critiques fusaient encore, il se jeta sur elle et l’embrassa, férocement. Le danseur reprit sa place d’origine en riant. Ruth se tut, ailleurs. Le temps passait, la surprise que l’amour lui soit tombé dessus demeurait. Le feu repassa au vert et la voiture poursuivit sa course vers l’appartement. Les maisons défilaient sous les yeux de la femme, toujours mécontente du concert, mais silencieuse. Les chansons de la radio percutaient les parois du véhicule, chahutaient auprès de leurs oreilles. Les doigts de Robin tapotaient le volant en rythme. Les fenêtres s’ouvraient vers l’extérieur, vers ce monde qui ne les touchait plus, et le vent s’engouffrait à l’intérieur. Les boucles de Ruth virevoltaient joyeusement, retombaient et se relevaient, lui cachaient la vue et tentaient vainement de pénétrer dans sa bouche. Elle les remettait en place furieusement. Ils revenaient.

- Tes cheveux jouent au boomerang, dis moi !

Le saltimbanque se moquait gentiment, elle lui tira la langue comme unique réponse. A présent, elle boudait. Et Robin savait déjà comment la consoler ...

 A peine la porte ouverte, Ruth se précipita vers le bar. Surpris, son amant lui demanda ce qu’elle faisait. La réponse, brève, acheva de l’étonner : « Je bois pour oublier la journée de merde que TU viens de me faire passer ! ». Aussitôt dit, aussitôt fait, elle s’empara d’une bouteille dont elle ne prit pas même soin de lire le nom et commença à boire, sous les yeux de l’unique témoin. Après de longues gorgées, qui lui parut une éternité, elle reposa la bouteille. Robin siffla, moqueur : « Quelle descente ! ». La jeune femme lui fit un clin d’œil, suivit d’un regard victorieux, avant que ses jambes ne tremblent. Elle se rattrapa de justesse au meuble, alors que deux bras l’attrapaient par la taille. Elle sentit ses pieds quitter le sol. Ciel, qu’elle aimait être dans ses bras. Sa tête lui tournait légèrement, le goût acide de l’alcool coincé dans son gosier, disait-elle. La voix du danseur lui parvint à peine tant elle était plongée dans ses pensées. Tous les deux savaient à quel point elle ne tenait pas l’alcool aussi évitaient-ils de s’en approcher de trop près, bien que Robin, fêtard dans l’âme, ne parvienne généralement pas à s’en éloigner longtemps. Chacun son fardeau. Le lit de Ruth accueillit celle-ci sans faire de vagues.

L’homme aux cheveux blonds cendrés lui retira ses chaussures, puis son gilet. Il la recouvrit du drap, faisant fit de la couverture. Deux bras ne voulaient plus lui lâcher la nuque. Il s’assit, non sans soupirer pour la forme, se mit à lui caresser les cheveux tendrement. Elle, ronronnant sous ses doigts, faisait mine de s’endormir. De sa voix la plus douce, il murmura :

- Ruth ?
- 
Hm ?
- 
Tu n’es pas ivre.
- 
Bien sûr que si, après tout ce que j’ai picolé comment ne pas l’être ?
- 
Il y a une marre de Vodka, là où tu étais. Tu n’as rien bu.
- 
Je te dis que si !
- 
Quitte à te prendre une cuite, autant le faire vraiment, Ruthy !
- 
Bon ok, je suis piégée.

Elle se releva d’un trait. Robin lui adressa un regard dans lequel mille questions dansaient furieusement. La jeune femme haussa les épaules, en se dirigeant vers le bar. Elle avait bien l’intention de ne pas simuler. Et de ne pas être la seule. Le fait qu’il la suivait ne la surprit pas le moins du monde, bien au contraire. La jeune femme déposa deux verres sur la table avant de prendre dans ses bras quelques bouteilles.

- On va jouer.


Le ton de sa voix n’admettait aucun refus et de toute façon, il ne comptait certainement pas se défiler. Sa curiosité avait pris le dessus ; il voulait voir jusqu’où était elle réellement capable. Elle lui expliqua les « règles du jeu » avec le plus grand sérieux, le fixant droit dans ses yeux verts.

- Bien. Après chaque verre on se met debout, allons jusqu’au lit, s’y asseyons et retournons ici. Le premier qui titube, tombe a perdu. Ca te va, mon cœur ?

Il hocha la tête en riant. Au bout de six verres, saurait elle seulement se lever ? Elle posa ses lèvres sur les siennes avant de servir le premier. « Cul sec ? », demanda-t-il en levant son récipient vers Ruth. Elle acquiesça, le sourire aux lèvres, puis avala la liqueur. Ils se levèrent, avancèrent jusqu’au lit, s’y assirent, se relevèrent, et repartirent à leur poste.

Deux verres ... Trois verres ... Quatre verres ... La vue de Ruth se brouille légèrement. Elle ne sert plus sans renverser. Cinq verres .... Robin, un peu trop fort, l’acclame ; il en avait tellement envie, de la féliciter. Parce qu’elle le supporte, qu’elle sait vivre si bien, avec un si joli visage, un grand cœur. Il la félicite de l’aimer. Ne voyant pas un pot de fleur, il trébuche. Et tombe. Ils rient tous les deux, lui par terre sur le ventre, elle debout devant lui, applaudissant à s’en faire mal. Comme deux enfants. Ils vont s’asseoir sur le lit puis retournent vers la table. « Tu as perdu, tu le sais, ça ? » lui annonce fièrement la critique. Ils boivent une dernière fois, pour la route.

 Les joues de Ruth sont rouges, elle sent sa peau qui brûle sur son visage, mais s’en fiche. En fait, elle n’en a qu’à peine conscience. Que c’est bon, cette ivresse à n’en plus sentir le sol froid sous ses pieds. Que c’est bon ... Ils hurlent presque de rire, se tortillent, ne marchent évidemment plus droit, et ce, depuis déjà bien longtemps. La nausée prend le dessus sur la jeune femme. Elle hoquette, pose sa main sur sa bouche, surprise par le goût amer qui remonte vers son palais. Sous le regard à moitié surpris de Robin, elle court aux toilettes et rejette tout. L’alcool, le petit déjeuner, la pizza au saumon ... Tout. Jusqu’au chewing-gum du concert, elle en est sûre. Elle relève la tête de la cuvette, se sent déjà un peu mieux. Croisant le regard narquois de son amant, elle grogne. Il la laisse passer, simplement parce qu’il faut qu’elle se rince le visage. Lui va bien, même si son haleine empeste toujours. Mais dans l’immédiat, l’odeur qui s’échappe des lèvres de la critique n’est pas plus respirable.

 Une fois son visage passé sous l’eau glacée, elle aperçoit Robin derrière. Il s’approche ; elle observe son reflet. Ses doigts se posent sous son menton, qui se tourne vers lui. Ils s’embrassent, longuement, avec tendresse, malgré leur semi ivresse à tous les deux.

- Je t’aime, lui murmure-t-il.
- Tu pues de la bouche, lui répond-elle.
Ils rient. Encore.

La musique débarque dans la pièce. Le danseur pousse la table du milieu. La place leur appartient. Il lui tend la main, alors que les notes percutent tout leur être. Ruth ne cesse d’émettre ces petites notes joyeuses, s’avançant vers lui. Ils dansent, dansent, dansent. Leur corps se déhanche en rythme, ensemble. Ils semblent n’avoir été faits que pour ça ; danser. Ensemble. Les bras, les jambes, la tête, les hanches, tout n’est plus qu’un fil reliant harmonie à passion. Un long fil, maigre et souple, aussi solide qu’une tige de bambou. C’est ça. Une fleur. Lui est la tige, qui se plie, se courbe, face au vent. Il soutient toujours la rose, elle. Celle qui s’abreuve des couleurs du ciel pour les nourrir, celle qui s’élève, triomphante, vers les nuages, prenant appui sur sa tige, aux douces épines. Elle seule peut les toucher sans se blesser, et ne s’en prive pas, lui non plus. Personne n’a plus d’importance. L’herbe autour peut bien sécher, ils sont ensemble et ne risquent plus rien. Le sol peut bien trembler, lui est si souple que les secousses ne le couperont jamais. Et que les enfants les arrachent au sol, s’ils veulent ! Ils seront certains de ne pas mourir séparés. Et que le jardinier coupe ! Ils n’en seront pas éloignés. Et que le monde meurt ! Ils s’en fichent éperdument, s’aiment toujours autant. La musique, ce vent dont les notes se balancent sur leur deux corps, s’évanouit dans l’air. L’alchimie s’essouffle, elle aussi.

- Et si on faisait un duo au Dionysos ?

La voix de Robin vole au silence ses derniers retranchements. Elle est si douce, si franche, au creux des oreilles de la jeune femme. Celle-ci fait la moue. Voilà bien des années qu’elle ne danse plus. Hésitations. Un baiser. Elle accepte. Dans un mois, ils danseront, sur scène, tous les deux.


Paradose.


[♀♀]


4 octobre 2009

Chapitre III

 

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 Robin crapahutait dans tout son studio. L’endroit avait été lessivé, rangé, organisé, déménagé, décoré, modifié, et ce, en l’espace d’une journée. Lou l’avait bien évidemment aidé. Malgré la petite surface, l’endroit possédait un certain charme. Les murs, peints en jaune pâle et parsemés d’affiches de films, encadraient l’intérieur, composé essentiellement d’une table basse, qui faisait office de table à manger, d’un canapé lit, d’une commode posée dans un coin, sur laquelle reposaient ustensiles de cuisine, et d’une guitare. Une sensation de sérénité et de bien être s’en dégageait. Le jeune s’avouait volontiers fier de ce que son appartement était devenu si rapidement. Jamais il ne remercierait suffisamment sa petite Lou pour son aide précieuse. Mais pour l’heure, ce qui l’occupait le plus, ne concernait pas la jeune rousse. Il s’inquiétait bien davantage sur le plat à servir pour le soir ! Car il accueillerait une invité de taille : mademoiselle Ruth Let. Ses mains n’étaient pas encore moites, ce qui le surprit. Il pouvait bien avoir vingt sept ans, il n’en restait pas moins un grand enfant.

Après longue réflexion, il se décida pour des spaghettis. Rien de plus romantique et pourtant simple que des spaghettis ! Son illumination le ravit, et il s’attela à la préparation du met. Soudain, il se frappa le front. «  Mince ! Si elle était végétarienne ! », se lamenta-t-il. Heureusement pour lui, la viande n’avait pas été touchée. Il la remit dans le congélateur et grogna. Sauce tomate, sans viande, donc. Mieux valait ne pas froisser son invitée. Il souhaitait de tout son cœur que la soirée se déroule bien.

 

Ruth allait bientôt arriver, il n’avait plus qu’à s’habiller. Hors de question qu’il reste dans ses habits de clown. Que penserait-elle d’un adulte qui passait ses journées à faire des galipettes sur les trottoirs quand elle trimait devant un ordinateur jour et nuit, courant après l’inspiration comme une forcenée ? Non. Il devait avoir l’air classe, élégant. Tout ce qu’il n’était pas. Il ne lui vint même pas à l’esprit qu’en tant que critique, elle s’était renseignée sur lui et savait qu’il gagnait sa vie à force de sourire. Il choisit donc de mettre un jean et une chemise noire. Le noir faisait ressortir ses cheveux clairs, bien qu’il ne l’ait pas fait exprès.

En attendant sa convive, il parcourut ses albums des yeux pour en mettre un dans sa chaîne Hi-fi. Il ne mit pas longtemps avant d’en prendre un. Calme, doux, envoûtant. Exactement ce qu’il fallait. Puis il s’assit dans un pouf. Et patienta.

Au bout d’un temps qui lui parut une éternité, on sonna à sa porte. Ruth l’attendait, de l’autre côté.

 

 Elle entendit quelque chose tomber à l’intérieur. Il grommela, elle rit. Robin manqua de lui tomber dessus en ouvrant la porte mais se rattrapa de justesse. Lorsqu’il lui dit bonsoir, elle sentit son souffle chaud sur son visage. Elle lui répéta son bonsoir, sachant que lui aussi recevrait comme une brise, légère et humide. Ils se firent la bise, tels deux personnes civilisées. Et lorsqu’elle franchit le pas de sa porte, le monde au dehors disparut.

 

 Les spaghettis s’avérèrent délicieuses, et Ruth n’était pas végétarienne. Elle n’en voyait pas d’intérêt. Lui se contenta d’hausser les épaules ; Lou ne touchait plus à la viande depuis ses treize ans, il était habitué. Ils discutèrent, refirent le monde, évoquèrent leur souvenir, rirent, se tutoyèrent, burent, changèrent d’albums plus d’une fois, se découvrirent. Se découvrir.

- Dis moi, Ruth, quel est ton plus grand rêve ? Maintenant que je connais ta famille, que je sais à quel point tu aimes ton métier et tout particulièrement ton patron, que je lis dans tes pupilles toutes les joies de ton enfance, j’aimerai savoir. Les rêves, c’est tellement dans une vie. Tu sais, je pense que les espoirs, accompagnés de désillusions ou non, correspondent aux plans d’une maison qui ne s’effondrera jamais. Ils forment un être humain. Ne ris pas, ce n’est pas l’alcool qui me fait dire de telles bêtises ! Alors ?

Ruth a les joues rouges à cause de la chaleur qu’il fait dans la pièce. Ses cheveux chahutent sur ses épaules dénudées. Robin peut voir le bleu qu’elle s’est fait en se cognant contre une porte. A ses yeux perle encore une larme de leur précédent fou rire. Elle secoue la tête, hausse les épaules et lui répond.

- Je ne suis pas comme toi, désolée. Les rêves représentent une perte de temps. Et c’est vrai, ma vie est moins drôle, moins passionnante, moins ... Vivante que la tienne. Mais elle me va.

Il insiste, n’y croit pas.

- Ne me dis pas que tu n’as pas de rêve !!

Robin la regarde se gratter la tête, faisant ainsi mine de réfléchir. Il se dit qu’elle est belle, bien trop belle pour lui. Qu’elle est aussi sérieuse, bien trop sérieuse pour lui. Puis il repense à son rire et renonce. Elle pourrait avoir tous les défauts de la terre si elle le souhaitait, il ne lui en tiendrait pas rigueur. C’est sa voix, si douce, si franche, qui le ramène à la réalité.

- Bien, si tu insistes. Je dirai que le seul rêve qu’il me reste, c’est un voyage.

- Un voyage ?, répète-t-il, à la fois déçu et surpris.

- Oui, un voyage. Je prendrai un an de vacances, j’enverrai valdinguer ce petit bout du monde pour fouiller le reste.

Elle sourit, rêveuse. Il fait de même, amoureux.

- Et où irais-tu ?

- Où irais-je ?! Où irais-je ? Mais voyons, Robin ! Partout ! Je volerai sur toutes les capitales du monde que j’aurai le temps de voir ! Je m’enfuirai dans les provinces isolées pour mieux respirer ! Je ! Oh ... C’est un rêve, voilà tout. Inutile de s’emporter comme je viens de le faire.

Sa fougue a disparu. Elle s’empourpre légèrement, n’a pas l’habitude de réagir aussi violemment sur un sujet aussi futile. Le saltimbanque trouve ça adorable. Ils parlent encore, encore, et ne voient pas la nuit avancer. Les bougies se sont depuis longtemps éteintes. Un énième CD s’est achevé, et ils restent là, à débattre d’un rien. Les liens se tissent, le fils rouge les a accrochés et ils le savent.

 

 Puis Ruth regarde sa montre et sursaute. « Il est déjà trois heures ! » s’étonne-t-elle. Elle se lève, se dépêche de récupérer son manteau sous les yeux ahuris de Robin. Les nuits blanches, il en est tellement habitué qu’il ne s’en rend plus compte. La jeune femme mène décidemment un train de vie bien différent du sien. Il la regarde qui contourne précautionneusement le coin de table sur lequel il a foncé avant de lui ouvrir la porte, faisant tomber un bout des couverts par la même occasion. Ce petit détail le fait sourire et c’est ce moment que choisit la jeune femme pour se tourner vers lui. Elle comptait s’excuser d’être restée si longtemps mais finalement, le silence l’emporte. Son regard s’attarde sur le sourire rêveur du danseur. A cet instant précis, elle sait qu’il l’a ensorcelée. Et ne compte rien faire pour briser le charme. Il lève les yeux vers elle et ses paupières ne se ferment plus. Elle s’approche de lui. Il se relève. Elle tend la main. Il la prend dans la sienne. Elle fait un pas, encore. Il colle son front au sien. Ils se sourient. C’est Robin qui scellera leurs lèvres. Leur premier baiser a un goût de bonheur. Plus un mot n’est échangé. Les mains ne se lâchent plus, les lèvres se séparent à regret, les sourires demeurent plaqués, la porte s’ouvre, les au revoirs s’éternisent, les baisers recommencent. Et chacun retourne de son côté.

 

 La porte refermée, la nuit reprend le dessus. Mais le monde extérieur ne revient pas tout de suite dans la tête de mademoiselle Let. Maintenant que son cœur est ailleurs, seul son corps la raccroche à la réalité, malgré ses jambes qui lui donnent l’impression de marcher sur des nuages, malgré ses yeux qui la laissent voir le même visage partout, malgré son cou qui ressent la morsure du vent comme celle de baisers, malgré ... Malgré l’amour, qui la fait s’envoler.   

 

Il range, les assiettes sales, les verres pas totalement vides, les couverts pleins de sauce tomate, remets les coussins à leur place, part de changer, et se couche dans son lit trop vide selon lui. Robin se dit qu’il n’y a plus que la chaleur d’une seule personne pour le réchauffer. Ses paupières s’étendent sur ses yeux verts et il la voit. Il admire son sourire pour la énième fois, son corps élancé, ses bras si fins, ses gestes qui respirent la grâce, ses grands yeux gris, ses joues roses, les petites bouclettes de ses mèches brunes. Et l’a fait prisonnier d’une cage d’or sans qu’il ne demande rien. Son état ne l’affole pas, il n’est pas habitué et trouve ça fascinant. Alors Robin laisse faire, repense à tout ce qu’ils se sont dit ce soir, vit toute la soirée en boucle. Il sait qu’elle fait pareil. Sa petite robe aux tons pâles lui allait si bien ! Comment a-t-il résisté à ne pas la serrer dans ses bras plus tôt ? Il existe en ce bas monde des mystères qui demeureront à jamais sans réponse. Celui-là en fait partie. Mais, à présent que le jeune homme est devenu jeune amoureux, il s’en moque. La seule chose qui l’importe, c’est elle. Il veut revoir son sourire, réentendre son rire. Encore, encore ...

Paradose.

[]

28 août 2009

CHAPITRE II

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Il doit être minuit passé. Les retrouvailles avec Robin furent plus que festives. La vieille femme, âgée de soixante deux ans, est partie à la retraite il y a quelques mois. Elle tenait un orphelinat, l’Orphelinat Joli, et y a déversé tout son amour des années et des années durant. Mais toutes les bonnes choses ont une fin et son corps ne lui permettait plus de supporter son emploi du temps chargé. On peut le dire, elle a quitté cet endroit contre son gré. Son âge est le seul fautif de son départ. « C’est la vie », s’évertue-t-elle à se dire. Robin a grandi. Elle ne le voit plus trop, à cause du train de vie qu’il mène. L’idiot. Il dort la plus grande partie de la journée, et le soir il fait des galipettes dans les airs avec sa troupe, quand il ne danse pas au Dionysos. Il ne gagne quasiment rien avec cette vie. Mais ça lui plait, alors Sidonie ne dit rien. Elle se contente de froncer les sourcils. Jamais sa fille n’aurait pu rejoindre la troupe si Robin n’avait pas été là. Mais ils ont grandi ensemble, elle le considère comme son fils et lui voue une confiance aveugle. Drôles d’artistes ces deux là. Et dire qu’avec les années, leurs talents n’ont fait qu’accroître. La vieille femme a l’impression de ne pas l’avoir revu depuis des siècles. Seulement quelques mois, pourtant. Et Robin demeure le même insouciant.


- Mademoiselle Let ! Votre ébauche, alors ?!

Ruth se précipite au bureau de Balekis. Elle tient à la main une feuille, sur laquelle un article est gribouillé. Il la lui arrache des mains en fronçant les sourcils. Il déchiffre tant bien que mal, ne fait aucun commentaire, lui rend le papier. « Recommencez. C’est laid. » Puis il lui tourne le dos. Pour qu’elle ne voit pas son sourire.

Il faudra attendre deux jours, cinq rejets, avant que l’article ne soit validé. Un mois avant qu’il ne soit publié.


- Rob ! Rob ! Viens voir ça !

Il est neuf heures et demie. A cette heure ci, personne n’ose le déranger. Il dort et tout le monde comprend son épuisement. Sauf Lou, toujours Lou. Elle se jette sur lui, arrache ses couvertures. Le saltimbanque gémit un « Looou ... » et se serait rendormi si elle n’avait pas piaillé dans ses oreilles jusqu’à ce qu’il l’écoute. La jeune fille pouvait se montrer terrifiante en sa présence, mais Robin ne protestait pas. Il ne protestait jamais de toute façon, laissait faire et attendait patiemment que son amie se calme. A bout, il lui demanda que lui valait l’honneur de cette visite. Elle lui décocha un immense sourire qui ne présageait rien de bon, avait d’entamer, d’une voix enjouée :

- Tu te souviens, cette fille qui était venue dans ta loge y a plus d’un mois ?

Il hocha la tête. Bien sûr qu’il se souvenait d’elle. Il n’avait pas réussi à effacer l’image de son visage empourpré à cause de sa course folle. Et sa carte de visite ne le quittait que trop rarement. La jeune rousse continua.

- Tu te souviens aussi de son métier ?

Il secoua la tête de haut en bas.

- J’ai trouvé son article sur toi mon Robinet chéri !!!!

Le jeune homme détestait qu’on l’appelle Robinet et Lou en profitait diaboliquement. Mais le surnom qu’elle lui attribua ne le fit pas réagir, contrairement au reste de ses paroles. Un article ? Sur lui ?? Impossible. Tout bonnement impossible. Il tourna vers sa complice un visage faussement désabusé, déçu d’avoir été réveillé pour rien. Sa tête replongeait même dans l’oreiller quand elle lui assena un coup non pas avec sa main mais avec un magazine. La demoiselle lui ordonna de le lire, puis partit, le laissant seul.

Robin fixa longuement la couverture du journal. Il la lut attentivement, puis s’attaqua au sommaire avec davantage d’attention. Jusqu’à ce qu’il tombe sur le titre « Robin Latte, ou le danseur fou ». L’appellation le fit sourire. Le danseur fou ... Il aimait.

Puis ses doigts tournèrent les pages frénétiquement, jusqu’à tomber sur celle indiquée. Là, ses yeux émeraudes brillèrent de stupeur. Les photos présentées dataient de bien après leur rencontre. Elle était revenue. Il lut l’article, n’en crut pas ses yeux, le relit, sourit comme un enfant, le relit encore, et finit par tomber dans l’ivresse de son rire. Ce qu’elle disait là ne le gênait pas, il savait bien qu’il avait un tant soit peu de talent. C’était la façon de l’écrire, Sa façon à elle. Les mots cachaient bien des choses et ceux-ci semblaient le supplier de venir lui rendre visite pour ... Il ne savait pas tellement pourquoi. Cette fille l’intriguait, lui plaisait et il ne comptait pas la laisser filer. Il était temps de jouer au prince charmant. Comme un adulte.


Ruth jouait du piano lorsque le téléphone sonna. Son chat, Cohen, releva son museau de ses petites pattes blanches en entendant la sonnerie, stridente. La jeune femme n’acheva même pas la mélodie qui l’absorbait pour aller répondre. Marius lui tapait littéralement sur les nerfs et s’il commençait aussi à l’appeler pour lui rajouter du travail, elle songerait très sérieusement à la démission. Mais ce n’est pas la voix de son patron qui l’accueillit dans l’appareil. Il s’agissait d’une voix mille fois plus douce, plus joyeuse. Une voix qui réchauffait le cœur, peu importe les mots. Sa voix. Elle sourit et en oublia de parler.

- Euh ... Excusez moi, il y a quelqu’un ?, interrogea Robin.

- Oui ! Oui, je suis là ! Bonjour monsieur Latte, vous allez bien ???, s’empressa-t-elle de répondre, le plus calmement possible.

- Oh appelez moi Robin par pitié ! Monsieur Latte .... Beurk.

- Bien ... Robin.

- Merci ! Puis je vous appeler par votre prénom aussi ?

- Evidemment !

Ruth était aux anges. Et elle détestait cet état de semi niaiserie qui l’envahissait petit à petit. Un frisson lui parcouru le dos quand elle apprit la venue de cet appel. Il l’avait lu. Et pire, ça lui plaisait ! Elle souriait bêtement, la main accrochée au téléphone. Le temps passa vite, bien trop vite. Ils parlèrent de tout, de rien, découvrent qu’ils sont faits pour s’entendre sans oser se le dire. Derrière lui, la critique entend une voix, soudainement. Robin soupire dans le combiné et hurle « Lou ! Sors de là je suis au téléphone !! ». Puis il reprend la parole :

- Excusez moi, c’est une amie quelque peu envahissante ... Bref ! Pour vous remercier de votre gentillesse, je voudrais vous inviter à dîner. Qu’en pensez vous ? Date au choix.

La surprise d’une telle proposition lui coupe le souffle. Elle se réprimande « Ruth ... Remet toi ! Il ne t’a pas demandée en mariage, il t’a proposé un dîner ! Arrête un peu de t’emballer pour un rien ! ».

- Ruth, vous êtes encore là ?

- Oui ! Excusez moi c’est ... Euh ... Mon chat qui faisait des bêtises ! J’accepte bien sûr !

Ils fixent une date, se quittent sur des mots doux qu’ils laissent s’échapper de leurs lèvres, presque contre leur gré.


Robin raccroche. Sourit. Soupire. Il est heureux, que tout aille si bien.


Le soir, sa mère, son père et sa sœur débarquent dans son appartement. La jeune femme avait tout préparé depuis longtemps. La table était prête. Et le silence de la maison n’attendait que les rires pour le combler. Elle leur fit la bise, les serra dans ses bras, souriante. Ils s’installèrent à table où ils burent l’apéritif. Ce soir là était un soir spécial. Son père fêtait ses cinquante-sept ans. Il approchait dangereusement de la soixantaine mais semblait ne pas y accorder la moindre importance. Ses yeux demeuraient rieurs malgré les rides qui dansaient aux coins de sa bouche. Son père resterait toujours pour elle un héro, l’image même du père aux bras si forts qu’ils la lançaient dans les airs, quand elle était enfant. Sa sœur, Emma, vint l’aider à débarrasser, alors que leurs parents discutaient quant à leur prochaine destination de vacances.

La cadette admirait silencieusement les longs cheveux de sa sœur lorsque celle-ci s’en rendit compte. Elle lui demanda en riant ce qu’elle avait à la dévisageait ainsi. Un haussement de l’épaule lui répondit. Puis Ruth prit la parole, n’y tenant plus.

- Tu sais ... J’ai rencontré quelqu’un, je crois.

Emma se jeta sur elle, la dévisageant.

- Tu crois ?! Comment ça « je crois » ?!

- Et bien ... Il ne s’est rien passé, alors ... J’ai fait un article sur lui et pour me remercier, il m’a invitée à dîner !

La plus jeune posa ses mains sur hanche, secouant la tête faussement dépitée.

- Et tu oses me dire que tu crois ... Imagine un peu, si toutes les personnes sur qui tu avais écrit devaient t’inviter à dîner pour te remercier ! Ma vieille, tu passerais ta vie chez les autres.

Ruth éclata de rire. Elle s’assit sur une chaise de la cuisine, invita sa sœur à en faire autant, avant de commencer une description des plus précises de Robin. Elle lui raconta comment ils s’étaient rencontrés, le coup de foudre oh combien ridicule qui l’avait alors frappée ... Et Emma, jouant avec une de ses mèches de cheveux bruns, tranquille, l’écoutait attentivement, ne voulant pour rien au monde rater un seul mot du récit fabuleux qu’on lui racontait là. De temps à autre, elle hochait la tête. Pour ponctuer la tirade de la critique, elle murmura un « Ah ... L’amour ! », puis retourna au salon voir ses parents, laissant sa sœur seule avec les assiettes sales et ses pensées.


Paradose.


[.]

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  • Tu écris et là, juste là, tu te sens en vie. Le souffle, le souffle murmure et les mots se reposent là, ils déchirent, ils tanguent, ils brûlent de passion, de vie ! Ils brûlent d'une vie blanche et profonde. Voyez.
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