Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
.
4 octobre 2009

Chapitre IV

Tinis_Two_For_One_by_tleach0608


Quelques mois plus tard ...

- Comment tu as pu aimer une chose pareille ?! Rien que d’y repenser, j’ai mal aux oreilles !
- 
Attends un peu, t’as écouté les paroles au moins ?! Toute cette profondeur, cette poésie, cette ...
- 
POESIE ?? Tu appelles ça de la poésie ? On n’a décidément pas la même définition de ce terme ...
- 
... Ou alors il faudrait que tu révises ton anglais.
- 
Et ça, hein ! Quelle idée de venir en France si c’est pour chanter de l’anglais, hein ?!

Robin avait insisté pour aller voir un concert. Du rock. De ces groupes qu’on écoute quand on est jeune, qui font bouger, du bruit, faire des sauts partout, sourire pour rien. Ceux qui fleurent bon la jeunesse. Il lui avait fallu une armée de patience et de douceur pour parvenir à convaincre sa compagne. Elle céda, et le regretta amèrement. Les gens se bousculaient, buvaient trop, fumaient trop, aussi. Ce concert l’avait profondément énervée. Et cette colère retombait bien évidement sur l’unique fautif. Il subissait ses foudres en soupirant, un petit sourire au coin des lèvres. Même dans tous ses états, elle restait la plus belle à ses yeux.


Ils marchèrent jusqu’à sa voiture et de là, ils roulèrent jusque l’appartement de Ruth. De tout le trajet, elle ne cessa de râler. La lumière, la musique, le manque de place, de talent, d’originalité, ... Tout était bon prétexte ! Pour la faire taire, il alluma la radio. Mais là encore, elle continuait. Alors à un feu rouge, alors que les critiques fusaient encore, il se jeta sur elle et l’embrassa, férocement. Le danseur reprit sa place d’origine en riant. Ruth se tut, ailleurs. Le temps passait, la surprise que l’amour lui soit tombé dessus demeurait. Le feu repassa au vert et la voiture poursuivit sa course vers l’appartement. Les maisons défilaient sous les yeux de la femme, toujours mécontente du concert, mais silencieuse. Les chansons de la radio percutaient les parois du véhicule, chahutaient auprès de leurs oreilles. Les doigts de Robin tapotaient le volant en rythme. Les fenêtres s’ouvraient vers l’extérieur, vers ce monde qui ne les touchait plus, et le vent s’engouffrait à l’intérieur. Les boucles de Ruth virevoltaient joyeusement, retombaient et se relevaient, lui cachaient la vue et tentaient vainement de pénétrer dans sa bouche. Elle les remettait en place furieusement. Ils revenaient.

- Tes cheveux jouent au boomerang, dis moi !

Le saltimbanque se moquait gentiment, elle lui tira la langue comme unique réponse. A présent, elle boudait. Et Robin savait déjà comment la consoler ...

 A peine la porte ouverte, Ruth se précipita vers le bar. Surpris, son amant lui demanda ce qu’elle faisait. La réponse, brève, acheva de l’étonner : « Je bois pour oublier la journée de merde que TU viens de me faire passer ! ». Aussitôt dit, aussitôt fait, elle s’empara d’une bouteille dont elle ne prit pas même soin de lire le nom et commença à boire, sous les yeux de l’unique témoin. Après de longues gorgées, qui lui parut une éternité, elle reposa la bouteille. Robin siffla, moqueur : « Quelle descente ! ». La jeune femme lui fit un clin d’œil, suivit d’un regard victorieux, avant que ses jambes ne tremblent. Elle se rattrapa de justesse au meuble, alors que deux bras l’attrapaient par la taille. Elle sentit ses pieds quitter le sol. Ciel, qu’elle aimait être dans ses bras. Sa tête lui tournait légèrement, le goût acide de l’alcool coincé dans son gosier, disait-elle. La voix du danseur lui parvint à peine tant elle était plongée dans ses pensées. Tous les deux savaient à quel point elle ne tenait pas l’alcool aussi évitaient-ils de s’en approcher de trop près, bien que Robin, fêtard dans l’âme, ne parvienne généralement pas à s’en éloigner longtemps. Chacun son fardeau. Le lit de Ruth accueillit celle-ci sans faire de vagues.

L’homme aux cheveux blonds cendrés lui retira ses chaussures, puis son gilet. Il la recouvrit du drap, faisant fit de la couverture. Deux bras ne voulaient plus lui lâcher la nuque. Il s’assit, non sans soupirer pour la forme, se mit à lui caresser les cheveux tendrement. Elle, ronronnant sous ses doigts, faisait mine de s’endormir. De sa voix la plus douce, il murmura :

- Ruth ?
- 
Hm ?
- 
Tu n’es pas ivre.
- 
Bien sûr que si, après tout ce que j’ai picolé comment ne pas l’être ?
- 
Il y a une marre de Vodka, là où tu étais. Tu n’as rien bu.
- 
Je te dis que si !
- 
Quitte à te prendre une cuite, autant le faire vraiment, Ruthy !
- 
Bon ok, je suis piégée.

Elle se releva d’un trait. Robin lui adressa un regard dans lequel mille questions dansaient furieusement. La jeune femme haussa les épaules, en se dirigeant vers le bar. Elle avait bien l’intention de ne pas simuler. Et de ne pas être la seule. Le fait qu’il la suivait ne la surprit pas le moins du monde, bien au contraire. La jeune femme déposa deux verres sur la table avant de prendre dans ses bras quelques bouteilles.

- On va jouer.


Le ton de sa voix n’admettait aucun refus et de toute façon, il ne comptait certainement pas se défiler. Sa curiosité avait pris le dessus ; il voulait voir jusqu’où était elle réellement capable. Elle lui expliqua les « règles du jeu » avec le plus grand sérieux, le fixant droit dans ses yeux verts.

- Bien. Après chaque verre on se met debout, allons jusqu’au lit, s’y asseyons et retournons ici. Le premier qui titube, tombe a perdu. Ca te va, mon cœur ?

Il hocha la tête en riant. Au bout de six verres, saurait elle seulement se lever ? Elle posa ses lèvres sur les siennes avant de servir le premier. « Cul sec ? », demanda-t-il en levant son récipient vers Ruth. Elle acquiesça, le sourire aux lèvres, puis avala la liqueur. Ils se levèrent, avancèrent jusqu’au lit, s’y assirent, se relevèrent, et repartirent à leur poste.

Deux verres ... Trois verres ... Quatre verres ... La vue de Ruth se brouille légèrement. Elle ne sert plus sans renverser. Cinq verres .... Robin, un peu trop fort, l’acclame ; il en avait tellement envie, de la féliciter. Parce qu’elle le supporte, qu’elle sait vivre si bien, avec un si joli visage, un grand cœur. Il la félicite de l’aimer. Ne voyant pas un pot de fleur, il trébuche. Et tombe. Ils rient tous les deux, lui par terre sur le ventre, elle debout devant lui, applaudissant à s’en faire mal. Comme deux enfants. Ils vont s’asseoir sur le lit puis retournent vers la table. « Tu as perdu, tu le sais, ça ? » lui annonce fièrement la critique. Ils boivent une dernière fois, pour la route.

 Les joues de Ruth sont rouges, elle sent sa peau qui brûle sur son visage, mais s’en fiche. En fait, elle n’en a qu’à peine conscience. Que c’est bon, cette ivresse à n’en plus sentir le sol froid sous ses pieds. Que c’est bon ... Ils hurlent presque de rire, se tortillent, ne marchent évidemment plus droit, et ce, depuis déjà bien longtemps. La nausée prend le dessus sur la jeune femme. Elle hoquette, pose sa main sur sa bouche, surprise par le goût amer qui remonte vers son palais. Sous le regard à moitié surpris de Robin, elle court aux toilettes et rejette tout. L’alcool, le petit déjeuner, la pizza au saumon ... Tout. Jusqu’au chewing-gum du concert, elle en est sûre. Elle relève la tête de la cuvette, se sent déjà un peu mieux. Croisant le regard narquois de son amant, elle grogne. Il la laisse passer, simplement parce qu’il faut qu’elle se rince le visage. Lui va bien, même si son haleine empeste toujours. Mais dans l’immédiat, l’odeur qui s’échappe des lèvres de la critique n’est pas plus respirable.

 Une fois son visage passé sous l’eau glacée, elle aperçoit Robin derrière. Il s’approche ; elle observe son reflet. Ses doigts se posent sous son menton, qui se tourne vers lui. Ils s’embrassent, longuement, avec tendresse, malgré leur semi ivresse à tous les deux.

- Je t’aime, lui murmure-t-il.
- Tu pues de la bouche, lui répond-elle.
Ils rient. Encore.

La musique débarque dans la pièce. Le danseur pousse la table du milieu. La place leur appartient. Il lui tend la main, alors que les notes percutent tout leur être. Ruth ne cesse d’émettre ces petites notes joyeuses, s’avançant vers lui. Ils dansent, dansent, dansent. Leur corps se déhanche en rythme, ensemble. Ils semblent n’avoir été faits que pour ça ; danser. Ensemble. Les bras, les jambes, la tête, les hanches, tout n’est plus qu’un fil reliant harmonie à passion. Un long fil, maigre et souple, aussi solide qu’une tige de bambou. C’est ça. Une fleur. Lui est la tige, qui se plie, se courbe, face au vent. Il soutient toujours la rose, elle. Celle qui s’abreuve des couleurs du ciel pour les nourrir, celle qui s’élève, triomphante, vers les nuages, prenant appui sur sa tige, aux douces épines. Elle seule peut les toucher sans se blesser, et ne s’en prive pas, lui non plus. Personne n’a plus d’importance. L’herbe autour peut bien sécher, ils sont ensemble et ne risquent plus rien. Le sol peut bien trembler, lui est si souple que les secousses ne le couperont jamais. Et que les enfants les arrachent au sol, s’ils veulent ! Ils seront certains de ne pas mourir séparés. Et que le jardinier coupe ! Ils n’en seront pas éloignés. Et que le monde meurt ! Ils s’en fichent éperdument, s’aiment toujours autant. La musique, ce vent dont les notes se balancent sur leur deux corps, s’évanouit dans l’air. L’alchimie s’essouffle, elle aussi.

- Et si on faisait un duo au Dionysos ?

La voix de Robin vole au silence ses derniers retranchements. Elle est si douce, si franche, au creux des oreilles de la jeune femme. Celle-ci fait la moue. Voilà bien des années qu’elle ne danse plus. Hésitations. Un baiser. Elle accepte. Dans un mois, ils danseront, sur scène, tous les deux.


Paradose.


[♀♀]


Publicité
Publicité
Commentaires
O
j'adore cette histoire et surtout la manière dont tu l'écris. j'ai l'impression de rêver avec eux. ^^ Ils sont trop mignons et si amoureux. Tu ne peux pas savoir à quel point cela fait du bien de lire une histoire qui donne envie de sourire tout le temps. D'ailleurs, j'en ai mal à la machoire à force de sourire bêtement. <br /> <br /> Aurais-je la suite ?????
.
  • Tu écris et là, juste là, tu te sens en vie. Le souffle, le souffle murmure et les mots se reposent là, ils déchirent, ils tanguent, ils brûlent de passion, de vie ! Ils brûlent d'une vie blanche et profonde. Voyez.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Publicité