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4 février 2009

Chapitre Troisième. L'Aube d'une nouvelle Vie.

 

 Il fallait trouver un endroit calme, vide. Un endroit sûr. Je savais parfaitement où aller. La piscine. Jamais âme qui vive, là bas. Non, jamais. L’eau n’avait pas été changée depuis des lustres et il était devenu impossible de s’y baigner. Personne ne prêtait attention à ce lieu, pourtant propice à de nouvelles rencontres. « Il faut lui trouver un nom ... », songeai-je. Bah ! Nous verrons avec Eric. Je lui pris sa main douce entre mes os fatigués, lui ouvrant la porte de l’endroit. Les fenêtres étaient sales, crasseuses, et il régnait une odeur nauséabonde, dont elle ne sembla pas s’apercevoir. Etrange paradoxe pour un squelette que de sentir les odeurs.


 Nous restâmes longtemps dans ce lieu glauque où le silence se frayait un chemin dans l’humidité. Eric savait où nous retrouver, du moins je l’espérais. Elle regardait autour d’elle, avalant chaque détail de ses yeux clairs. L’après midi passa, sans un bruit, tandis que je guettais la moindre de ses réactions. Puis, Eric arriva. Il sourit en nous voyant, m’adressant un clin d’œil complice. Depuis toutes ces années, il avait tant changé. Je hochai la tête.

 

Puis il fallut la faire rentrer avec nous sans que les parents d’Eric ne s’en rendent compte. Pour cela, il lui suffit d’aller « discuter » avec eux pendant que j’entraînais notre trésor dans la petite chambre. Elle s’assit sur le bord du lit lorsque je le lui proposai, les yeux fuyant. Mon ami revint vite, essoufflé par sa course dans les escaliers. « Il faut lui trouver un nom ... » murmurai-je à nouveau. Il agita vivement la tête et, se tournant vers elle, le plus naturellement possible, il lui demanda si elle avait une idée. Elle leva un sourcil, perplexe. J’eus alors une illumination ; « Owari » s’échappa de mes lèvres. Eric sourit. Ce nom lui allait à merveille. Elle était devenue quelqu’un à son tour. Quelqu’un, du nom de Fin (1). Dès ce soir là, nous serons trois.

Eric alla se coucher, je m’enfermai dans mon placard et elle, elle s’allongea sur le tapis sombre derrière le lit. Je le sais ; cette nuit là, elle ne ferma pas un œil, comme beaucoup d’autres à venir, d’ailleurs.

Le lendemain, samedi, nous prîmes la décision de l’emmener acheter des vêtements. Nous savions qu’elle resterait, autant lui apprendre à s’adapter le plus vite possible, à ce monde étrange, glorieusement noyé d’indifférence. Elle ne semblait pas fatiguée le moins du monde, contrairement à Eric dont le sommeil s’était vu perturbé par des cauchemars qu’il jugeait d’une merveilleuse atrocité. Des cernes gris se baladaient sous ses yeux. Comme la veille au soir, il partit dans le salon où il entama avec ses parents une conversation des plus quelconques, pendant que je la sortais hors de la petite maison. Ses doigts restaient glacés dans ma main. Nous l’attendîmes à un angle, et il ne tarda pas à arriver. Les gens dans la rue se tournaient sur notre passage. Le jeune homme gardait la tête droite, le regard rivé loin devant. Nous trouvâmes une petite boutique assez jolie, dans laquelle une robe grise et quelques ensembles bon marché furent achetés. En fin de journée, elle portait une jupe violette et une tunique grise, couleur qui semblait n’exister que pour elle. Les yeux de mon ami ne la quittaient plus, sans même qu’il ne s’en rende compte. Il faut avouer qu’elle était magnifique, ses longs cheveux dessinant dans son dos, une cascade dorée aux reflets exquis.

Pour rentrer, nous utilisâmes la même tactique. Enfin, l’argent de poche d’Eric servait. Demain, nous irons au cinéma. Puis nous ressortirons, pour nous promener. Elle devait découvrir le monde au plus vite, nous sentions le temps nous presser. Il fallait la plonger dans cet univers qui lui était inconnu pour qu’elle puisse y vivre comme tout le monde. Il fut décidé qu’Owari serait présentée comme la grande sœur d’Eric. Il restait un problème, un seul. La princesse, car c’en était devenue une à nos yeux, ne semblait connaître qu’un mot : merci. Peut-être se moquait-elle de nous, peut-être pas.

Avant qu’elle n’apparaisse, j’avais comme un pressentiment : quelque chose allait arriver, quelque chose qui bouleverserait nos existences. J’avais eu raison, de manière indéniable et des plus surprenantes.

Puis le dimanche, comme prévu nous nous sommes rendus au cinéma. J’ai fait remarqué à Eric l’inutilité de ce geste ; Owari ne comprenait manifestement pas notre langue. Elle gardait toujours ses yeux, semblables à un lac glacé par l’hiver, rivés sur nos lèvres lorsque nous parlions. Elle passait son temps à nous détailler nous, le monde, les autres. Ses cheveux paraissaient peser lourd sur ses épaules, de longues mèches d’or dégoulinant dans son dos. Il lui suffisait d’un simple regard pour séduire n’importe qui. Mon ami enlevait souvent sa casquette, depuis deux jours. De toute mon existence passée à ses côtés, jamais je ne vis autant ses prunelles sombres, toujours aussi vides de sentiments. Owari ne souriait pas, ne riait pas, son visage n’exprimait pas la moindre émotion. Eric lui ramenait à manger le plus discrètement possible, tâche qui s’avéra plus difficile que prévu. Pourtant, elle ne mangeait pas, se contentait d’observer la nourriture, suspicieuse. Lorsque le jeune homme nous laissait seul, ou qu’il travaillait, nous ne parlions pas, évidemment. Je l’admirais, tandis qu’elle m’ignorait. Ca m’allait bien, à vrai dire.

 Nous rentrâmes dans la salle obscure, leurs tickets dans la main. Le film choisi n’avait rien d’intéressant, rien de terrifiant, rien de romantique, rien de pathétique et rien d’affligeant. Les scènes défilaient sous nos yeux. Evidemment, ni Eric ni moi n’y prêtions attention. Nous étions trop affairés avec notre jeune créature. Celle-ci, malgré son air toujours autant détaché, se tendait sur son siège, ses doigts désespérément accrochés aux miens, ce qui attira une nouvelle fois la jalousie d’Eric. A bien y penser, cette demoiselle provoquait sans cesse une sorte de rivalité involontaire, dont nous nous serions passés. Je sentais sa main, toujours glacée, cramponnée à mes os. Elle semblait rassurée à présent, rien qu’au touché de mon corps. Elle se crispait, et mes paroles au creux de son oreille n’y changeaient rien. Je sais qu’alors mon ami se sentait de trop, et peut être pour la première fois depuis que nous nous connaissons m’a-t-il haï.

 Nous sommes ressortis du cinéma avec une rapidité insoupçonnée. Owari chancelait et ses pas se faisaient hasardeux. J’avais lâché sa main, quitté la douceur de sa peau, et suivais les deux « frères et sœurs » à pas lents. Eric scrutait le sol ; il s’en voulait. Je ne pouvais me résoudre à le consoler, ce genre de geste de compassion n’ayant jamais fait partie de mes options. Je le laissai donc ressasser ses idées noires, tandis que la jeune fille se remettait de ses émotions. Puis, nous allâmes manger, au restaurant. Ces derniers jours avez été éprouvants, était ce vraiment utile de rajouter cet évènement en plus ? Il semblerait que oui ...

(1) : Owari signifie fin, en japonais.

Paradose.

[*]

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Commentaires
O
La suite please !!! J'aime beaucoup cette histoire et je me demande qui s'est cette fille ?????????<br /> <br /> Enfin bon, je crois qui manque un mot à cette phrase : Il sourit en nous voyant m’adressa un clin d’œil complice.*<br /> <br /> Bon, allez la suuuuuuuuuuiiiiiiiiiittttttttteeee !!!!! :>
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  • Tu écris et là, juste là, tu te sens en vie. Le souffle, le souffle murmure et les mots se reposent là, ils déchirent, ils tanguent, ils brûlent de passion, de vie ! Ils brûlent d'une vie blanche et profonde. Voyez.
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